Les faux de l’Eglise
1) Les faux en écritures « saintes »
3) Le
pouvoir des papes et la fausse donation de Constantin
4) La
littérature hagiographique
Selon Porphyre, les Evangélistes sont
les inventeurs, non les historiens des choses qu'ils racontent de Jésus ;
l'Evangile est une scène truquée. L'empereur Julien traitait « la machination
des Galiléens, d'invention, de fable, de mensonge ». Denys de Corinthe,
s'apercevant que ses lettres circulaient sous une forme falsifiée, s'en
consolait en disant qu'elles n'étaient pas plus maltraitées que les Ecritures.
Saint Paul, lui-même, écrivait dans son Epître aux Thessaloniciens : « Ne
vous laissez pas effrayer par de prétendues lettres de nous vous annonçant que
le jour du Seigneur est très proche ».
Parmi les fraudes littéraires,
mentionnons les deux lettres tombées du ciel au VI° et au VIII° siècles, l'une
sur l'autel de la Confession à Rome, l'autre à Jérusalem. La correspondance
entre Paul et Sénèque (huit lettres du philosophe, six de l'apôtre) sera
signalée pour la première fois par saint Jérôme. Un faussaire du V° siècle
rédigea une correspondance entre Hérode et Pilate qui se plaignent mutuellement
de leurs remords et de leurs misères physiques depuis qu'ils ont condamné
Jésus. On connaît également une correspondance entre le roi Abgar et Jésus, une
Donation de Constantin en faveur de l'Eglise fabriquée quatre siècles après la
mort de cet empereur, le Liber de duplici martyrio publié sous le nom de
saint Cyprien mais dont l'auteur était Erasme, la lettre du pape Anastase II à
Clovis écrite au XVII° siècle par un oratorien, la donation du domaine royal
d'Issy signée par Childebert en faveur d'une abbaye et datée de 558 mais en
réalité l'oeuvre des moines de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le faux
diplôme de Dagobert confectionné par un moine pour octroyer l'immunité
à son abbaye.
Au IX° siècle apparut une collection
de décrétales frauduleusement attribuées à Isidore de Séville. Elles furent
composées en Gaule entre 847 et 853, sans doute commencées à Mayence et
terminées à Reims ; leur compilateur s'appelle lui-même Isidorus Mercator mais
d'autres auteurs ont été proposés.
Ce sont le cardinal Nicolas de Cuse
et John Tuttrecremata qui, les premiers, au XV° siècle doutèrent de leur
authenticité, laquelle aujourd'hui n'est soutenue par personne.
Néanmoins, ce recueil a été fort
utile aux usurpations de l'Eglise romaine ; on pourrait même
soupçonner qu'il n'a été fait que dans ce but. Ce fut le
pape Nicolas Ier qui invoqua le premier les fausses décrétales pour étendre la
juridiction disciplinaire du siège de Rome. Ces fausses décrétales, en
fournissant au pape et aux évêques des titres contre le pouvoir civil provoquèrent
des démêlés et des querelles entre l'autorité ecclésiastique et la
puissance laïque.
Les conciles eux-mêmes firent usage
de ces rescrits supposés tandis qu'évêques, théologiens et
professeurs en citèrent à l’envi les maximes apocryphes. C'est
pourquoi les conséquences de cette immense forgerie subsistent, les usages
ainsi introduits demeurent et les prétentions pontificales n'ont pas
abdiqué. Ne serait-il pas logique, étant donné que l'imposture est
universellement reconnue, que l’Eglise rejette aujourd'hui
et annule des droits et prétentions qui ne reposent que sur l'oeuvre d'un
faussaire du IX° siècle ?
Le mot « pape », qui désigne l'évêque
de Rome, chef de l'église catholique, signifie « père ». Il était donné à d'autres
évêques avant de se spécialiser : en 250, Cyprien de Carthage est encore
qualifié, par Rome même, de « béni pape ». La prééminence de l'évêque
de Rome, liée à la capitale, s'implanta très lentement et ne fut
jamais admise en Orient.
Pierre (s'il a existé) n'est
jamais venu à Rome, il n'a ni fondé ni dirigé la communauté romaine
primitive. Au IV° siècle, Eusèbe de Césarée inventa une liste des premiers
successeurs de Pierre, dont la plupart sont légendaires : il n'y eut pas d'évêque
dirigeant à Rome avant 150 environ, et le premier connu avec certitude est
Victor (189-199).
Après la conversion de l'empereur
Constantin, les évêques de Rome s'enrichirent vite, mais passèrent
sous la tutelle byzantine. Pour s'en affranchir plus tard, ils s'allièrent
aux Wisigoths, puis aux Francs, et imaginèrent enfin de conférer la couronne
impériale à Charlemagne (800). D'où des conflits avec les empereurs
d'Occident, qui dominèrent tout le Moyen Age, lorsque des papes
autoritaires prétendirent se placer au-dessus des souverains et instituer une
théocratie. Cette politique, combattue par les empereurs Henri IV et Frédéric
II, fut définitivement ruinée par Philippe le Bel à Anagni (1303).
Invoquant une fausse donation de
Constantin [acte par lequel l'empereur Constantin Ier aurait donné au pape
Sylvestre la primauté sur les Églises d'Orient et l’imperium (pouvoir impérial)
sur l'Occident. La démonstration de son caractère apocryphe fut effectué en 1442
par l'humaniste Lorenzo Valla], les papes s'étaient fait attribuer un domaine
temporel, dont la possession contribua à leur puissance, mais aussi à leurs
déviations, les entraînant dans de nombreux conflits politiques : Dante le
jugeait déjà néfaste. Mais les papes s'y accrochèrent jusqu'à
ce que la formation de l'unité italienne les en dépouillât au XIXe
siècle. Un accord passé avec Mussolini en 1929 rétablit un Etat du Vatican,
fort réduit, mais permettant au pape de jouer un rôle de souverain. En fait,
depuis la disparition de la féodalité, c'est leur puissance
financière, moins visible mais énorme, qui permet aux papes de jouer un rôle
important dans la diplomatie mondiale.
L'histoire de la papauté connut de
nombreuses crises, où l'institution faillit plusieurs fois sombrer.
Elle nous montre de nombreux pontifes indignes ou criminels, à côté de
quelques nobles figures ou de politiques habiles. Longtemps soumis à l'autorité
des conciles, les papes finirent par instaurer dans l'église un
pouvoir absolu : cette évolution s'acheva par la proclamation, en
1869, du dogme de l'infaillibilité.
La littérature hagiographique est
consacrée aux saints de l'Eglise chrétienne : martyres et vies de
saints forment une masse énorme de documents curieux, édités systématiquement
depuis plusieurs siècles par les Bollandistes (Acta Sanctorum), qui
les étudient aussi avec un esprit critique digne d'éloge.
Les Actes authentiques que l'on
possède pour certains martyrs (saint Cyprien, par exemple) sont extrêmement
sobres : simples comptes rendus judiciaires. L'immense majorité de
ces Actes est apocryphe et tardive. Ce sont précisément ces Actes apocryphes
qui contiennent des miracles prodigieux, des supplices compliqués, raffinés et
chinois à plaisir, dont souvent le héros triomphe, soit par intervention
directe de Dieu ou par insensibilité surnaturelle. La littérature
hagiographique est aussi fort monotone, car la Vie de saint était un
genre littéraire assez défini, obéissant à des lois reconnaissables.
Edifiante, fabuleuse, romanesque
parfois, multipliant l'héroïsme, l'ascétisme, le
supplice et le miracle bien au-delà de toute vraisemblance, cette montagne de
textes est vite accablante d'ennui. Voltaire en donne quelques
exemples malicieux au ch. X du Traité de la Tolérance.