Derniers articles publiés/actualité :

Non, Mélenchon ne diffame pas Jeanne d'Arc

Résumé :

1) Parmi les "voix" qu'elle entendait : sainte Catherine d’Alexandrie. Or l'Eglise a reconnu depuis que cette sainte n'avait pas existé, que c'était une légende.

2) Les "voix" se sont souvent trompées.

3) L'origine des visions

4) De l'inconscience et une utilisation politique

Dans un reportage vidéo du "Quotidien", diffusé le mercredi 24 mai 2017, on voit Mélenchon dire, en passant devant une statue de Jeanne d'Arc : "Ah ! Regarde-la cette folle. [...] Elle entendait des voix, faut quand même pas oublier ça !"

Si je crois que quelqu'un est fou et qu'en conséquence je le traite de fou, et que j'en explique les raison, il n'y a pas diffamation. Si en revanche, je ne croyais pas que quelqu'un soit fou, et que je le traite de fou, là il y aurait insulte et diffamation.

Mélenchon ne diffame pas Jeanne d'Arc. Il l'a traite de folle. Or qu'est-ce qu'une folle ?

Selon la définition, c'est quelqu'un "qui a perdu la raison, qui est atteint de troubles mentaux".

1) Jeanne d'Arc avait-elle des trouble mentaux ? Oui, car elle entendait des voix. Nous allons y revenir.

Etait-elle normale ? Certainement pas, puisqu'à dix-huit ans elle ne présentait pas encore le signe de la puberté. Cette anomalie peut expliquer les hallucinations qu'elle eut depuis l'âge de treize ans : elle avait surtout des « auditions », ses visions ne furent jamais très nettes. Ses réponses témoignent d'une alternance de bon sens paysan, d'obstination et de dérèglement de l'imagination. Peut-on considérer comme entièrement saine d'esprit la fille qui, dès Vaucouleurs, fait cette stupéfiante déclaration : "Je me marierai, et j'aurai trois fils, dont le premier sera pape, le second empereur, le troisième roi... Le Saint-Esprit y œuvrera"?

On sait que Jeanne d’Arc avait un « conseil » composé de « Monseigneur saint Michel et de Mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite ». Elle a vu chaque jour ces puissances célestes, magnifiquement parées. Elle les a touchées, elle a « embrassé leurs genoux » selon la mode du temps. Elle leur a parlé et en a reçu des directives. Elle a toujours attribué ses victoires à l’intervention de ses guides.

Nous ne parlerons pas, et pour cause, de l’existence de saint Michel, celle de sainte Marguerite est déjà plus suspecte. Rabelais traite sa vie de « cafarderie ». Mais pour sainte Catherine la cause est jugée sans appel.

Le premier Jean de Lannoy (1603-1678), docteur en Sorbonne, le « dénicheur de saints » prouva que sainte Catherine n’avait jamais existé.

Peu après l’Irlandais Henry Dodwell dans son « de Paucitate Martyrum » acheva cette démonstration.

Les travaux modernes n’ont pu que confirmer l’erreur des premiers siècles. Citons Jean Mielot dans sa « Vie de sainte Catherine » (1881), les travaux de Mgr Duchesne in « Origines chrétiennes » et enfin ceux de divers bollandistes. Aujourd’hui aucun prêtre instruit ne croit à l’existence de sainte Catherine d’Alexandrie et aux actes de son martyre. Il s’agit d’une pure légende.

L'Eglise a officiellement retiré Catherine de son calendrier en 1970 : « Certains saints peuvent être populaires, en raison des légendes qui se sont créées autour de leurs noms, sans qu'on puisse même garantir qu'ils aient existé, tels saint Christophe, sainte Barbara, sainte Catherine d'Alexandrie. Ils ont été supprimés du calendrier général: le peuple chrétien ne peut être invité à une prière officielle que dans la vérité. »[1]

Malgré cela Jeanne d’Arc a vu la pseudo sainte des centaines de fois, qui lui affirmait être bien sainte Catherine et lui parlait de son existence terrestre. La divinité se serait-elle plu à la mystifier ? Notons d’ailleurs que cela n’enlève rien à la grandeur de la tâche de la sainte et à l’admiration que l’on doit avoir pour elle.

2) Dans tous les cas, on pourrait d’autant plus croire à une mystification céleste de Jeanne d’Arc qu’elle fut souvent induite en erreur par ses « voix ». Celles-ci se sont trompées bien des fois. Le fait est étrange de la part de puissances telles que saint Michel, l’archange vainqueur du démon, sainte Catherine si renommée à l’époque et sainte Marguerite vénérée un peu partout.

Ces erreurs flagrantes ont fâcheusement impressionné les juges ecclésiastiques de la Pucelle, alors qu’ils étaient déjà bien mal disposés en sa faveur.

Citons quelques exemples. Les voix, au dire de Jeanne, lui avaient promis qu’elle délivrerait le duc d’Orléans, ce qui ne s’est pas réalisé. Elles lui avaient dit : « Avant qu’il soit sept années, les Anglais laisseront un plus grand gage qu’ils n’ont fait devant Orléans. Ils perdront toute la France. » Cela en mars 1431. Or, le 19 octobre 1453, soit 22 ans plus tard, Bordeaux tombait et la prophétie était réalisée avec 15 ans de retard.

Les voix lui avaient encore dit dans la tour de Beaurevoir qu’elle serait délivrée mais après avoir vu le roi d’Angleterre. Elle ne le vit jamais.

Enfin, elles lui annoncèrent qu’elle entrerait à Paris avec le roi, ce qui n’eut pas lieu. On le constate, les erreurs s’accumulent et nous ne les connaissons certainement pas toutes.

3) Il y a débat sur l'origine des visions, différentes hypothèses sont en présences : L’épilepsie temporale, la schizophrénie paranoïde, le trouble bipolaire de l’adolescence, l'anorexie mentale, le trouble conversif.

Selon plusieurs auteurs[2], Jeanne aurait souffert de tuberculose bovine disséminée avec atteinte cérébrale secondaire. La tuberculose bovine se serait ainsi compliquée d’un tuberculome temporal droit, entraînant secondairement la symptomatologie épileptique.

Les arguments avancés sont d’ordre épidémiologique : Jeanne vit à la campagne et de ce fait est exposée à la tuberculose bovine, alors endémique. Ensuite, la symptomatologie épileptique se serait étalée pendant 6 ans, durée compatible avec un tuberculome calcifié temporal qui est une lésion par définition peu évolutive. Les auteurs signalent aussi que le tuberculome temporal pourrait expliquer les premiers épisodes hallucinatoires ainsi que son comportement ultérieur, qui est caractérisé par ce qu’ils appellent « un trouble similaire à la schizophrénie ».

Il semble assuré que Jeanne d'Arc souffrait d'une infection rénale, lors de son procès. C'est là une complication habituelle de la tuberculose.

Enfin, un argument trivial est avancé, celui de la combustion imparfaite des intestins et du cœur de Jeanne sur le bûcher. Ces éléments seraient en faveur d’une péricardite chronique et d’une atteinte intestinale entraînant des lésions de calcification. Celles-ci auraient alors empêché la combustion des organes de Jeanne. En effet, en cas de tuberculose, due à l'absorption de lait contaminé, des dépôts calcaires se forment dans l'abdomen, ils sont rebelles à la combustion.

Cependant, à l'heure actuelle, les hypothèses qui semblent aux psychiatres les plus pertinentes sont les troubles de la personnalité sous forme de troubles conversifs ou de personnalité normale. Le débat reste ouvert:

http://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2009-10-page-907.htm

4)

Ce n'est pas Jeanne qui a chassé les Anglais de France : elle est morte en 1431, et ils n'ont quitté le pays qu'en 1453, vingt-deux ans plus tard. Dès le siège d'Orléans, leurs troupes, peu nombreuses et mal ravitaillées, étaient dans une situation difficile. La population leur était hostile, comme à toute armée occupante et pillarde. Jeanne a contribué à réveiller l'esprit de résistance, rien de plus. Ses talents militaires, comme ceux de nombreux chefs de ce temps, se bornaient à « bouter sus », et le courage ne lui manquait pas, celui de l'inconscience.

L'idée d'utiliser une « pucelle » pour redresser la situation fâcheuse de Charles VII, devait être familière à la Cour, car Jeanne ne fut pas la seule : quatre autres furent employées, et finirent mal. Après l’échec apparent de Jeanne, l'archevêque de Reims recommanda encore un berger du Gévaudan, naïf et stigmatisé, dont il disait « qu'il n'en faisait ni plus ni moins que Jeanne la Pucelle ». Le malheureux périt noyé, cousu dans un sac : la protection de l'archevêque ne portait pas bonheur. L'époque était crédule, mais la nôtre aussi, qui retient la réussite et oublie les autres tentatives avortées.

Pour aller plus loin :

http://rationalisme.free.fr/Saints et Saintes apocryphes.htm

http://rationalisme.free.fr/Jeanne dArc.htm

 

 

 



[1] Conférence de présentation du nouveau calendrier romain par l'abbé Pierre Jounel, professeur à l'institut supérieur de liturgie de l'Institut catholique de Paris, rapporteur du groupe d'étude qui a préparé la réforme du calendrier, faite à Rome le 9 mai 1969

[2] Par exemple, le professeur John Butterfield, du Guy's Hospital de Londres (History Today 1958)